Le Disney’s Hotel Santa Fe : OVNI thématique

Chers lecteurs, soyez-en avisés dès maintenant. Cet article parlera d’Euro Disney Resort, et de Michael Eisner. Ce ne sera absolument pas la dernière fois ! Rien d’étonnant cela dit, étant donné le caractère représentatif de cet établissement en ce qui concerne le complexe et l’homme sus-cités. Nous allons en effet voir, tout au long de notre analyse, que le Disney’s Hotel Santa Fe, bien plus qu’un autre, est le fruit d’une véritable vision d’architecte. Un véritable OVNI qui n’a pu arriver que grâce à une conjoncture bien précise. Plongeons ensemble dans l’histoire d’un Hôtel Disney pas comme les autres, qui, avant d’être thématisé sur l’univers de la franchise Cars, a proposé pendant vingt ans une véritable évasion dans l’univers de son architecte.

Entrée du Disney’s Hotel Santa-Fe (1992)

Michael Eisner, un homme féru d’architecture contemporaine

Michael Eisner s’est toujours considéré comme un créatif. Sorti d’un cursus supérieur de lettres, alors qu’il se prédestinait à des études plus classiques, dans les meilleurs facultés, Eisner dénote dans le milieu bourgeois dont il est issu. Dès son arrivée à la Paramount en 1976, il montre, avec sa théorie des « simples et des doubles » sa volonté de privilégier la créativité au sein des œuvres, au détriment des stars et des budgets inflationnistes. Il emportera cette stratégie avec lui chez la firme aux grandes oreilles, dont il deviendra le PDG en 1984. Mais c’est véritablement avec le dossier Tishmann qu’Eisner va s’intéresser au domaine de l’architecture. En effet, peu après son arrivée à la tête de la Walt Disney Company, Michael Eisner va rencontrer Michael Graves, et lui faire la commande du Team Disney Building. Quelques années plus tard, c’est lui qui dessinera les hôtels Swan, et Dolphin, à Walt Disney World Resort, mettant fin aux différends entre Disney, et la société hôtelière Tishman.

Hôtels Swan et Dolphin, à Walt Disney World Resort

A partir de la, l’intérêt d’Eisner pour le domaine architectural grandit de plus en plus. Et cela tombe bien, car le projet EuroDisney est sur le point de se concrétiser. Eisner veut ouvrir un grand nombre d’hôtels, et ce, dès l’inauguration du Resort. Le but est d’empêcher une trop grande pénétration de l’hôtellerie locale sur le Resort. Décision est prise de construire 7 hôtels différents, sur le thème des Etats-Unis. Walt Disney Imagineering ne concevra donc que le Disneyland Hotel, projet de Tony Baxter et Eddie Sotto. Pour le reste, ce sont des architectes indépendants qui superviseront la construction des 6 autres établissements. Antoine Predock en fera partie, et concevra donc le Disney’s Hotel Santa Fe.

Santa Fe : Ville d’artistes

Le Nouveau Mexique est, à n’en pas douter, un Etat aussi fascinant qu’oublié des touristes ordinaires. Pourtant, il a beaucoup à offrir, et notamment, la ville de Santa Fe. Située à 2194 mètres d’altitude, la ville se trouvait sur l’itinéraire de la mythique Route 66 jusqu’en 1937. Sa situation élevée la rendait en effet très difficile d’accès. Il en résulte une atmosphère préservée, où les constructions d’architecture Pueblo du centre-ville historique côtoient les nombreux artistes venus s’installer dans ce havre de paix.

Vue du centre-ville de Santa Fe

Avec plus de 200 galeries d’art, Santa Fe est une ville des plus inspirantes. Les paysages qui l’entourent sont aussi impressionnant que sublimes. De par son caractère isolé depuis la fin des années 1930, Santa Fe propose une vision alternative des Etats-Unis, entre tradition et modernité. Entre architecture traditionnelle préservée, et art contemporain omniprésent. Cette philosophie se retrouve résolument dans l’oeuvre de Robert Predock, qui, plus qu’un hommage au Nouveau Mexique, est véritablement un chant d’amour à une ville aussi atypique que charmante.

Une vision moderne du Nouveau Mexique

Soyons sûrs d’une chose, le Disney’s Hotel Santa Fe de 2019 n’est clairement pas celui de 1992. L’hôtel est en effet méconnaissable depuis l’introduction de l’univers de Cars dans ce dernier. Mais bien avant cela, les couleurs de l’hôtel avaient été modifiées, afin d’apporter plus de chaleur à ce dernier. Force est de constater qu’à son ouverture, le lieu arborait, sous la grisaille parisienne, un aspect bien triste. Pourtant, malgré cet aspect froid et désincarné à première vue, le Disney’s Hotel Santa Fe, tel qu’imaginé par son architecte, était véritablement immersif, et constituait une terrain de jeu géant, pour quiconque souhaite faire fonctionner son imagination.

Fort de décors, tantôt fantaisistes, tantôt réalistes, dispersés au cœur de bâtiments aux formes diverses, et à l’agencement varié, l’hôtel crée un mélange éclectique, mais néanmoins cohérent, de ce qu’est le Nouveau Mexique aux yeux de son architecte, Antoine Predock. Ce dernier n’avait pas pour volonté de nous présenter une vision réaliste de sa terre natale, loin de là. Au contraire, il souhaitait proposer une suite d’éléments, pouvant s’assembler, et ainsi créer une sorte de collage de l’esprit. C’est d’ailleurs avec une collage de diverses inspirations représentant son projet que Predock réussit à convaincre Michael Eisner de valider son projet. L’hôtel Santa Fe de 1992 s’inscrivait parfaitement dans cette vison, avec ses éléments oniriques, dont certains sont encore présents aujourd’hui.

Trail of Infinite Space,  Des grandes plaines aux confins de la galaxie

L’arrivée des visiteurs au Disney’s Hotel Santa Fe se faisait généralement par cet espace. Englobant les parties communes, et la route centrale de l’hôtel, Trail of Infinite Space est une ode aux grands espaces désertiques du nouveau Mexique. On y trouvera notamment la reproduction de cinéma Drive-in, mais aussi, voire surtout, une longue route menant à la représentation d’un OVNI. Ces deux éléments, caractéristiques du Nouveau Mexique, illustrent parfaitement le propos de Predock. Tout en étant figuratifs, plus que représentatifs, ils stimulent l’imaginaire du visiteur. Ainsi, le cinéma n’est qu’une simple affiche, et l’OVNI, un disque de métal des plus épurés.

Vue du Disney’s Hotel Santa Fe, prise depuis les berges du Rio-Grande.

Trail of Legends, où l’apprivoisement de son environnement

Trail of Legends nous conte l’histoire de la conquête du Nouveau Mexique, terre parfois hostile, et pleine de mystère. Cette aire s’ouvre sur une reproduction miniature d’un volcan, rappelant la forte activité volcanique autrefois présente dans cette partie du monde. Face à ce monticule, se dressent des bâtiments aux couleurs inhabituelles. Ils symbolisent chacun un aspect de la conquête du grand-Ouest.  Noir pour les méchants des Westerns Américains, et blanc pour les héros de ces derniers, gris pour la prison, argent pour la banque, doré pour la ruée vers l’or, et enfin, rouge… pour la maison close.

Vue de Trail of Legends.

Trail of Monuments, La majesté du Grand-Ouest

Dirigeons-nous à présent vers la partie centrale de l’hôtel. Bordant cette dernière, se trouve Trail of Monuments, une représentation imagée des formations rocheuses de Monument-Valley. Le symbole de cette zone est l’oiseau Roadrunner. Les cheminées représentant ces roches, présentes sur les toits des bâtiments, sont en effet inspirées de la représentation des rochers proposée dans le célèbre cartoon. On voit bien ici, une fois de plus, l’envie de stimuler l’imaginaire du visiteur, plutôt que de lui apporter une représentation réaliste déjà toute prête.

Fenêtre présente dans le restaurant La Cantina, et représentant Roadrunner, symbole de Tail of Monuments.

Trail of Water, une mise en scène surprenante de l’élément liquide

Traversons la route de Trail of Infinite Space, pour nous retrouver au pied du plus grand bâtiment de l’hôtel. Cette construction domine Trail of Water, un espace dédié à l’eau, et à la nécessité absolue de cette dernière dans la conquête du Grand-Ouest. Dévalant une rampe, juchée sur le bâtiment 33, l’eau s’en va ensuite dans deux directions. Tantôt vers la réception, où elle termine finalement sa course dans des geysers de vapeur. Tantôt vers le bâtiment 30, où elle parcourt une série de canaux d’irrigation, disposés de manière géométrique. Si beaucoup de vestiges subsistent aujourd’hui du Disney’s Hotel Santa Fe de Predock, Trail of Water fait en revanche partie des pertes. Le système hydraulique n’existe plus, tantôt remblayé pour la rivière menant aux geysers, tantôt comblé avec des plantes pour la rampe.

Vue depuis le haut du bâtiment 33 du Disney’s Hotel Santa Fe.

Trail of Artifacts, le désert porteur d’Histoire, et d’histoires

Terminons notre tour du Disney’s Hotel Santa Fe avec Trail of Artifacts. Côtoyant Trail of Water, cette section consiste en une représentation du désert, des objets que l’on peut y trouver, et des histoires que racontent ces derniers. On pouvait ainsi y trouver d’authentiques voitures abandonnées, aux prises de la rouille. Ces dernières ont aujourd’hui été retirées. Ce n’est en revanche pas le cas du labyrinthe en forme de serpent qui trône au milieu de cette zone, ou encore pour le cactus, enfermé dans une cage de verre, présent un peu plus loin. Ce dernier, en fleurs, symbolise l’Arizona voisine, dont il est le symbole. La cage de verre, quand à elle, représente le sable du désert, le verre étant en effet fabriqué à partir de sable.

Oeuvre présente au sein de Trail of Artifacts.

Les raisons d’un échec

Dire que la vision du Disney’s Hotel Santa Fe est ambitieuse est un euphémisme. Avec son parti-pris de collage imaginaire, misant sur une symbolique forte, cet hôtel était une oeuvre architecturale des plus atypiques. Et c’est sans-doutes ce qui a contribué à rendre l’hôtel si peu populaire. Enfin, cela et l’absence d’air conditionné… Cette volonté de miser sur la symbolique a entraîné une difficulté de compréhension du thème de l’hôtel par les visiteurs de la destination. Ces derniers ont naturellement préféré les bien plus communs et plats Disney’s Newport Bay Club, et Disney’s Hotel Cheyenne. Il faut dire qu’avec ses grands bâtiments aux formes géométriques, et ses grandes œuvres figuratives, le Disney’s Hotel Santa Fe pouvait ressembler à certains grands ensembles français, notamment d’Emile Aillaud, chose que le public n’attendait absolument pas.

Quartier des Patios à Grigny, conçu par Emile Aillaud.

Beaucoup de traces de ce passé, où Michael Eisner validait des projets ambitieux, aujourd’hui impensables, subsistent au Disney’s Hotel Santa Fe. Malgré la couche grasse apposée en 2013 avec l’implémentation de l’univers de Cars au sien de l’hôtel, de très nombreuses traces de l’hôtel imaginé par Antoine Predock sont encore visibles. Si l’on y prête attention, on peut encore ressentir l’atmosphère unique des lieux. Nous vous encourageons vivement à vous y promener, comme nous l’avons fait, et à découvrir les indices de ce glorieux passé. Nous espérons que vous y prendrez autant de plaisir que nous.

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