Disney et le monde de la fête : Il était deux fois à Disneyland (1/2)

Lorsque l’on se met à explorer les parcs Disney, tout particulièrement le Parc Disneyland parisien, il est assez facile de se rendre compte que la nuit leur sied particulièrement bien. Elle souligne l’importance toute  particulière que revêtent tantôt l’électricité, tantôt le gaz pour Main Street U.S.A.. Le caractère mystique des hauteurs de Big Thunder Mountain. l’aspect mystérieux d’Adventureland. l’atmosphère féerique de Fantasyland. Ou encore l’es courbes tout en mouvements de Discoveryland. Et si l’obscurité est très utile pour créer, ou renforcer des atmosphères, nous allons voir qu’elle peut également sauver les finances d’un parc. Tout au long de cette série d’articles, nous nous pencherons sur la façon dont la firme aux grandes oreilles a tantôt utilisé, tantôt rejeté le monde de la nuit, et plus particulièrement, celui de la fête, à travers les décennies. De Date Nite at Disneyland à Videopolis, voyons ensemble comment le monde de la nuit a façonné le Resort Californien !

Affiche promotionnelle pour « Date Nite at Disneyland »

Une ouverture difficile

Lors de son ouverture, le 17 Juillet 1955, Disneyland connut une affluence record. Le tout, sous un soleil de plomb, sans la moindre fontaine à eau à la disposition de ses visiteurs. L’histoire de cette journée est connue, et nous ne nous éterniserons pas dessus. Ce qui l’est moins en revanche, c’est la suite des événements. En effet, jusqu’en 1957, malgré des ajouts et remaniements sur l’existant, Disneyland peinait à être rentable. Fait assez problématique, étant donné les sommes investies dans le projet, qui se devait donc absolument d’être un succès. Le cœur de cible de Walt, celui dont l’idée de Disneyland était partie, les familles, était bel et bien conquis ! Mais Walt et ses équipes se rendirent bien vite à l’évidence… Cela ne suffirait pas, il fallait trouver autre-chose. Une clientèle disposant de temps pour ses loisirs, et d’argent à dépenser  !

Disneyland, le jour de son ouverture

Des fermetures tardives, mais pas que !

Dès le mois de Mai 1957, Disneyland commença son exploitation de nuit. Le parc opérait alors quotidiennement de 10h du matin à 10h du soir. Mais ce n’est qu’un moins plus tard que commencèrent les Date Nites at Disneyland. Le parc ouvrait alors tous les Vendredi et Samedi soirs, jusqu’à une heure du matin. Disneyland pouvait à présent commencer sa vie nocturne, et dans le même temps, attirer les jeunes couples. Quoi de plus naturel (et dangereux), aujourd’hui, pour un couple, de se rendre à Disneyland ? Mais à l’époque, l’idée était nouvelle, et séduisait. Ces soirées étaient d’autant plus plébiscitées qu’il était possible d’acheter pour 6,5$ de l’époque, soit une soixantaine de dollars d’aujourd’hui, un carnet contenant deux entrées après 17h, et dix coupons attractions à utiliser lors de la soirée.

Carnet de coupons Date Nite at Disneyland

Outre ce carnet au tarif attractif, la vie du parc fut adaptée aux activités nocturnes qui l’habitaient dorénavant. C’est ainsi qu’une piste de danse fut aménagée sur la gauche du château, en lieu et place de l’actuel Royal Theater, au sein du Carnation Plaza Gardens. Un Big Band local, les Elliott Brothers, fut engagé, afin d’animer ces soirées dansantes, qui devinrent rapidement un grand succès. Ce dernier n’était pas du au hasard, puisque rapidement, les Date Nites at Disneyland étaient devenues le théâtre d’un spectacle grandiose : Fantasy in the Sky, qui dura jusqu’en l’an 2000. Ce spectacle nocturne, premier du genre dans un parc Disney, ouvrit véritablement la porte à l’entertainment nocturne que nous connaissons aujourd’hui.

Des nuits fondatrices !

Les parcs Disney que nous connaissons aujourd’hui ne seraient pas ce qu’ils sont sans Date Nites at Disneyland. Elles furent le début de l’activité nocturne pour le parc de l’Oncle Walt, et en définirent les codes. Beaucoup perdurent encore aujourd’hui. D’autres, tels que le fait d’ouvrir la totalité du parc, afin de garantir une expérience totale à toute heure (cette mesure était chère à Walt Disney), devraient l’être. En plus de cela, elle permirent d’apporter la rentabilité à un Resort qui en avait cruellement besoin. Elles auront donc créé un précédent, qui sera réitéré sous une autre forme quelques décennies plus tard, par un PDG qui souhaitait alors reconquérir les jeunes.

Et puis, vinrent les années 80 !

En 1984, la Walt Disney Company vécut l’arrivée d’un duo qui allait rythmer son historie pendant dix ans : Franck Wells, et Michael Eisner. Disney était alors une entreprise moribonde, à l’image vieillotte, bien que possédant un très fort capital de sympathie auprès du public. Cet état de fait était particulièrement vrai à Los Angeles, dont les habitants étaient habitués depuis 1955 à fréquenter le parc de l’Oncle Walt. Il était nécessaire de moderniser celui-ci. Et ce n’était pas le nouveau Fantasyland, ouvert un an plus tôt, qui allait faire bondir les attendances. Il fallait du neuf, du cool, du jeune ! Problème, le neuf, le cool, et le jeune, cela demande du temps. Beaucoup de temps. A moins que… Mais oui ! Chez Imagineering, comme chez Lavoisier, « rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme ». Et cela tombe bien, puisque Lavoisier s’était TRÈS fortement inspiré des dires d’Anaxore de Clazomène, un philosophe Grec, en créant cette célèbre citation.

Nous tenons là deux principes de l’ère Eisner : Faire du neuf avec du vieux, et reproduire ce qui fonctionne à l’extérieur, chez Disney ! Disneyland allait donc être une fois de plus re-dynamisé par le monde de la nuit, avec Videopolis. Et quoi qu’en aient dit Michael Eisner et son équipe créative, il est clair que Date Nite at Disneyland, et Studio K, le night club du parc voisin Knott’s Berry Farm n’y étaient pas pour rien.

Une clientèle de proximité

Si Walt Disney World Resort est avant tout une destination de vacances, fréquentée par des touristes du monde entier, Disneyland, lui a toujours été prisé par les locaux. Le lieu, à l’atmosphère chaleureuse et cossue, était et reste un havre de paix pour les habitants de L.A.. Cela imposait un défi de taille, différent des précédents. Là où le Resort Floridien afficha rapidement la volonté de proposer une expérience de plusieurs jours, à vivre comme de véritables vacances, sur la côte Ouest, il était nécessaire de penser les choses autrement. Disneyland est très comparable, en tant que loisir, au cinéma. On peut très bien fréquenter la même salle de manière régulière, mais on n’ira que rarement revoir à répétition le même film. Il convient de varier les plaisirs, et de renouveler l’expérience de manière régulière pour conserver la clientèle.

Videopolis lors de son exploitation nocturne

Dans les années 1980, ce renouvellement dut être rapide, et fait à moindres frais. Les idées furent donc, comme dit précédemment, trouvées dans les environs, chez la concurrence. Quand à la réalisation, elle fut exécutée en 100 jours. De la conception à la fin de la construction du projet. Afin de réduire les coûts de cet investissement, une grande partie du matériel audiovisuel utilisé fut directement racheté à l’organisation des Jeux Olympiques de 1984, à Los Angeles. 3 millions de dollars furent nécessaire à la mise en oeuvre du projet, soit, aujourd’hui, 7,2 millions. Cela signifie qu’il est possible de construire 15,6 fois Videopolis avec le budget alloué à Space Mountain – De la Terre à la Lune, lui aussi corrigé de l’inflation. Et c’est ainsi que le 22 Juin 1985, Disneyland fit de nouveau place à la danse, en ouvrant Videopolis. Celui-ci devint rapidement un succès auprès de la jeunesse de L.A. !

Entre évolution du public et évolution des mœurs !

Si la marque Disney éprouve aujourd’hui un amour réciproque pour le portefeuille LGBT+, en témoigne notamment l’organisation d’événements tels que Magical Pride, on sait aujourd’hui que ce ne fut pas toujours le cas. Lors de l’ouverture de Videopolis, Disney prohibait la danse entre personnes du même sexe dans ses parcs. Après plusieurs procès, et de nombreux articles, pour ou contre, dans la presse locale, Disney céda. Le porte parole de l’époque eut les mots suivant, auprès des journalistes du Los Angeles Times : « Nous essayons de prendre en compte les retours de nos visiteurs. Videopolis attire de nombreux adolescents, et nous voyons de nombreuses situations où deux jeunes filles viennent ensemble, et veulent danser ensemble, et nous en font la remarque. Nous avons toujours dit non, mais nous avons changé d’avis« . Une manière comme une autre d’accompagner ce changement de politique décisif de la compagnie !

Visuel promotionnel de l’avant première presse de Videopolis

Le lancement et l’exploitation de Videopolis étaient également l’occasion de familiariser Disneyland avec de nouvelles clientèles. Pour le meilleur, et pour le pire. Le meilleur était l’adoption massive de ce loisir par les jeunes (dorée) de Los Angeles. Ils y voyaient à présent un lieu où il faisait bon être présent. Cette image était bien loin de celle que véhiculait le Resort à l’arrivée d’Eisner. Elle ne fera que s’amplifier tout au long des deux décennies suivantes, avec l’arrivée d’attractions telles que Star Tours, Splash Mountain, ou encore Indiana Jones Adventure. Le pire, quand-à-lui, sera l’arrivée des gangs de la cité des anges dans les allées jusque là paisibles de Disneyland. Ce sera d’ailleurs l’une des raisons qui mènera Videopolis à sa perte. Cet endroit iconique ferma ses portes en 1995, pour devenir l’actuel Fantasyland Theater.

Deux conceptions de la fête, deux époques !

Date Nite at Disneyland et Videopolis furent tous deux révolutionnaires pour le parc de l’Oncle Walt. A leur manière, ils contribuèrent grandement à sa réussite, et même à sa survie. Au de là de ça, plus que des événements internes au parc, ils devinrent de véritables phénomènes de société dans le microcosme de la bouillonnante Los Angeles, faisant de Disneyland l’un des poumons de cette agglomération. Date Nite at Disneyland et Videopolis marquèrent chacun leur génération. Et bien qu’éphémères, ils contribuèrent, pour leur public, à faire de Disneylant « The happiest place on Earth ».

Sommaire

Pour découvrir la deuxième partie de notre dossier consacré à la fête nocturne chez Disney, c’est par ici !

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